Pour adapter la justice à l'évolution de la criminalité, il est temps que le législateur mauritanien ait une bonne appréhension de l'approche utilitariste de la sanction pénale, qui n'est autre que la réinsértion sociale et la prévention de la réitération.
L'introduction des mesures pour renforcer la chaîne pénale va sans doute contribuer à préserver la crédibilité de l'institution pénale face à la grave problématique de la surpopulation carcérale.
L'esprit de la loi pénale admet la peine comme étant un châtiment édicté par la loi,une sanction pénale qui s'adresse à l'intelligence et qui veut convaincre en apportant des bienfaits liés à la prévention des infractions.
La pratique démontre que le placement systématique en prison ou l'incarcération ne fait qu'accentuer la récidive et le surpeuplement des lieux de détention lorsque les dispositifs juridiques relatifs aux modes alternatifs aux poursuites ainsi que les peines alternatives à l'emprisonnement ne sont pas élargis.
La conciliation pénale prévue par le code de procédure pénale est un mode alternatif aux poursuites qui permet aux délinquants primaires d'éviter la récidive et le désengorgement des tribunaux.
L'expérience de cette procédure est une dissuasion générale,réduisant ainsi la tentation de commettre des infractions. D'ou la nécessité d'élargir ce mode alternatif aux poursuites, par la mise en place d'une procédure de médiation pénale avec l'institution des délégués du procureur pour jouer le rôle de médiateur entre les parties afin d'éviter les poursuites en matière de petite et moyenne délinquance.
Au niveau de notre législation, les procédures d'aménagement de peines se limitent à la libération conditionnelle et à la grâce présidentielle. Ces dernières obéissent à des procédures particulièrement lourdes: décret présidentiel pour la grâce et arrêté ministériel en ce qui concerne la libération conditionnelle. Elles relèvent de la compétence exclusive de l'exécutif. D'ou la nécessité de promouvoir et d'élargir le système des aménagements de peines par la mise en place d'autres peines alternatives à l'emprisonnement, telles que :les sanctions pécuniaires (amendes) ;les ajournements (sursis avec mise à l'épreuve SME, avec injonction) ; les peines restrictives de liberté (emprisonnement avec sursis assorti de la mise à l'épreuve, les peines de travail d'intérêt général TIG, le stage de citoyenneté, le suivi socio judiciaire, les peines de semi liberté et même le placement sous surveillance électronique).
Le développement de ces peines justifiera ainsi la mise en place de l'institution d'un juge de l'application des peines (JAP), qui sera une pièce maîtresse de la politique de réinsértion sociale. Cela permettra de judiciariser les aménagements de peines en partie et prendre également l'initiative des procédures d'aménagement de peines, précédemment citées, dévolues jusqu'à nos jours à l'administration.
La fonction du juge de l'application des peines (JAP) s'articulera autour de 4 points essentiels :
1. Mettre à exécution des peines de façon effective par le contrôle de l'application de leur légalité ainsi que la régularité de la détention des prisonniers ;
2. Favoriser l'insertion ou la réinsértion des condamnés et la prévention de la récidive ;
3. Prévoir l'aménagement de la peine privative de liberté comme devant être la règle, le refus devenant l'exception ;
4. Permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire..
Le juge de l'application des peines (JAP) doit être un magistrat de carrière, professionnel et expérimenté, désigné conformément aux règles de procédures prévues par le statut de la magistrature.
Cette fonction du juge de l'application des peines sera confiée à un magistrat de siège du Tribunal de la Wilaya, dont les compétences concerneraient essentiellement les condamnés qu'ils soient détenus ou en dehors de la prison.
Le JAP est assisté par une commission de l'application des peines ainsi que du service de l'administration pénitentiaire, que le magistrat mandate pour suivre les condamnés à des peines privatives de liberté.
La commission de l'application ou d'aménagement de peines comprendra plusieurs membres: le procureur de la République ou son représentant, le directeur de l'établissement pénitentiaire, les surveillants ainsi que les membres de l'administration pénitentiaire. Elle est présidée par le JAP, assisté d'un greffier doté d'un secrétariat de greffe.
Pour un aménagement de peine, le détenu doit présenter un dossier, dans lequel il fournit un gage sérieux de réadaptation sociale, avec un projet professionnel ou d'indemnisation des victimes s'il y a lieu. Les débats sont contradictoires et la parole est en dernier au détenu. La commission statue en chambre de conseil sur le dossier du détenu et l'avis du directeur de l'établissement est recueilli au préalable de la décision du JAP, qui est susceptible de recours.
Il apparaît nettement durant les deux dernières années, une amélioration de la situation des prisons. Ce constat s'explique aisément par le fait que la politique pénale a changé de vision et d'orientation. Elle a porté un intérêt particulier à tout ce qui touche l'ordre social et societal ainsi que la problématique de la vie carcérale. C'est sur cette lancée qu'il y a eu le transfèrement de plusieurs détenus, condamnés à des peines plus longues à des nouveaux lieux de détention aux normes standard. Créés ou réhabilités.
Dans le cadre de l'exécution des peines privatives de liberté, le code de procédure pénale prévoit que les condamnés à des peines privatives de liberté pour les faits qualifiés de délits ou crimes sont astreints au travail. A cet égard, l'idée des prisons productives me paraît nécessaire et très séduisante afin de changer la vision négative de nos prisons. Étant donné que la population carcérale est très jeune (80% ont moins de 30 ans).
Pour conclure, il est important de savoir que le but et la justification des peines sont en définitive de protéger la société contre le délit et le crime. Un tel but ne sera atteint que si la période d'incarcération est mise à profit pour obtenir dans toute la mesure du possible, que le délinquant ou le criminel une fois libéré, soit non seulement désireux, mais aussi capable de vivre en respectant la loi et de subvenir à ses besoins.
Mr Saadbouh ould saleck, Magistrat